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SCI sous-louant les murs d’une clinique, par Frédéric Douet


Le 27 octobre 2022, le Conseil d’État a rendu un arrêt (n° 453264) dans une affaire dans laquelle un médecin détenait des parts d’une SCI qui donnait en sous-location les murs d’une clinique dans laquelle ce médecin exerçait son activité. La SCI – dont 11,61 % des parts appartenaient au médecin – sous-louait l’immeuble où la clinique était implantée à la société qui exploitait l’établissement. Au titre d’une des années contrôlées par les services fiscaux, la SCI a dégagé un déficit, posant la question de savoir si ce déficit était ou non imputable sur les revenus professionnels du médecin ou sur ses autres revenus.


En premier lieu, sauf lorsqu’il exerce son activité par l’intermédiaire d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés, les revenus d’un médecin sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). La question de la déduction des charges en matière de BNC est souvent une source d’incompréhensions pour les contribuables. En effet, seules sont déductibles les charges nécessaires à l’activité professionnelle (CGI, art. 93). Cela suppose qu’il existe un rapport étroit entre la dépense et l’activité professionnelle. En matière de bénéfices industriels et commerciaux, le critère est plus large puisque les dépenses déductibles sont celles qui sont conformes à l’intérêt de l’entreprise. La SCI est dotée d’une personnalité juridique distincte de celle de ses associés, notamment de celle du médecin. Il en résulte que la SCI exerce une activité propre distincte de celle du médecin. La conclusion est la quote-part du déficit de la SCI revenant au médecin n’était donc pas une dépense nécessitée par l’exercice de sa profession et, pour cette raison, n’était pas imputable sur ses BNC procurés par cette activité.


En second lieu, le code général des impôts distingue huit catégories de revenus pour le calcul de l’impôt sur le revenu : 1) bénéfices industriels et commerciaux, 2) bénéfices agricoles, 3) bénéfices non commerciaux, 4) traitements, salaires, pensions et rentes viagères, 5) revenus de capitaux mobiliers, 6) rémunérations des dirigeants de sociétés, 7) revenus fonciers, 8) plus-values et moins-values professionnelles et des particuliers. En règle générale, lorsqu’au titre d’une année un contribuable dégage un déficit dans une ou plusieurs de ces catégories, ce ou ces déficits ne sont imputables en totalité sur les autres revenus qu’à la condition de provenir d’une activité exercée à titre professionnelle. Toutefois, le Conseil d’État a jugé que l’activité de sous-location d’immeubles nus ne peut être regardée comme l’exercice d’une profession libérale (8 juillet 2009, n° 304815). Selon le juge fiscal cette activité ne nécessite pas la mise en œuvre d’un art ou d’un savoir-faire particulier de nature à la faire regarder comme l’exercice d’une profession libérale. L’activité de sous-location d’immeubles nus procure donc des BNC, mais des BNC non professionnels. Suivant ce raisonnement, les déficits dégagés dans le cadre de cette activité ne sont pas imputables sur les autres revenus, même si le contribuable exerce cette activité à titre professionnel. Ces déficits sont uniquement reportables sur les bénéfices tirés d’activités semblables – BNC non professionnels - durant les six années suivantes. Il s’agit de la règle de « tunnelisation » des déficits.


En pratique, la question des aspects juridiques et fiscaux de l’immobilier d’entreprise est récurrente et souvent source de déconvenues pour les professionnels libéraux (médecins, vétérinaires, architectes, …). L’enseignement que ceux-ci doivent tirer de cet arrêt et qu’ils doivent être particulièrement vigilants au choix qu’ils font et ne pas hésiter à se faire conseiller et assister par leur notaire ou leur avocat afin que celui-ci leur expose les différentes solutions et leurs conséquences, notamment fiscales.



Frédéric DOUET, professeur à l’Université Rouen-Normandie (@Fiscalitor)


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