Un arrêt rendu par le Conseil d’État le 14 juin 2023 (n° 461960) illustre les passes d’armes auxquelles peut donner lieu l’exonération d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux accordée aux particuliers en cas de cession de leur résidence principale (CGI, art. 150 U, II). La lecture de cet arrêt apprend qu’entre 1999 et 2012, un couple a neuf fois de suite fait construire des maisons avant de les revendre en demandant à chaque fois le bénéfice de cette exonération. Compte tenu du nombre et de la fréquence des opérations les services fiscaux ont considéré que ces contribuables s’étaient en réalité livrés à une activité de marchands de biens passible de la TVA et dont les résultats sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
La difficulté vient du fait que le code général des impôts ne prévoit pas – comme cela a été le cas jusqu’en 2003 – de durée de détention de l’immeuble pour que la plus-value afférente à la résidence principale soit exonérée. La différence avec un marchand de biens tient au fait que celui-ci n’occupe pas les immeubles qu’il achète en vue de les revendre, ces immeubles composent sont stock. Pour que la plus-value dégagée lors de la cession d’une résidence principale échappe à l’impôt il suffit que le cédant soit en mesure de démontrer qu’il s’agissait effectivement de sa résidence principale, même si cela n’a été le cas que durant un laps de temps limité. L’arrêt du 14 juin 2023 confirme la position déjà adoptée par plusieurs cours administratives d’appel. Sont éligibles au bénéfice de l’exonération :
- la plus-value dégagée lors de la cession d’un immeuble que le cédant n’avait pas occupé plus de cent treize jours - voire soixante jours en tenant compte du compromis de vente - et dont la cession était intervenue moins de deux mois après une première cession d’une précédente résidence principale ayant déjà été exonérée (CAA Marseille, 17 nov. 2017, n° 16MA01155) ;
- la plus-value afférente à une maison occupée de mi-octobre ou début novembre 2013 au 1er février 2014, date à laquelle les cédants ont pris à bail un autre logement avant la signature de l’acte de vente de cette maison intervenue le 14 février 2014 (CAA Lyon, 5e ch, 19 août 2021, n° 19LY01666) ;
- les plus-values réalisées par un couple ayant acquis puis revendu six maisons entre 2010 et 2017 (CAA Versailles, 7 déc. 2021, n° 19VE03989).
Les services fiscaux ne sont pas pour autant désarmés. D’une part, il peut y avoir un débat sur le fait de savoir si l’immeuble constituait effectivement la résidence principale du cédant. Pour cela le contribuable peut notamment prouver qu’au cours de la période en question la consommation d’eau, d’électricité et de gaz était normale. La tâche des services fiscaux est compliquée par le fait qu’un contribuable n’a pas l’obligation d’être domicilié – notamment fiscalement – à l’endroit où il réside. D’autre part, l’administration fiscale peut tenter de démontrer que le contribuable a cherché à abuser de l’exonération accordée en cas de cession d’une résidence principale. Pour cela elle doit établir que la ou les opérations sont constitutives d’un abus de droit pour motif exclusivement ou principalement fiscal. Il peut y avoir un débat sur ce sujet notamment en cas de réalisation de travaux suivie d’une revente à très court terme, notamment lorsque le contribuable achète aussitôt une nouvelle résidence dans le même secteur et/ou renouvelle l’opération plusieurs fois de suite.
Frédéric DOUET, professeur à l’Université Rouen-Normandie, membre du Conseil des prélèvements obligatoires (@Fiscalitor)
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