Les pactes Dutreil transmission sont destinés à encourager la pérennité du tissu économique français. En contrepartie du respect d’un certain nombre d’obligations, la conclusion d’un tel pacte ouvre droit à une exonération de droits de succession ou de donation à hauteur de 75 % de la valeur des titres d’une société ou d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (CGI, art. 787 B et 787 C). En cas de transmission de titres, ceux-ci doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de deux ans suivi d’un engagement individuel de conservation pris par chacun des donataires, héritiers ou légataires de conserver les titres transmis durant quatre ans. Il est également nécessaire que l’un des signataires exerce effectivement dans la société pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la transmission son activité principale s’il s’agit d’une société de personnes ou une fonction de direction s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés de plein droit ou sur option.
Les pactes Dutreil sont à l’origine d’un contentieux récurrent avec les services fiscaux, tendance illustrée par trois arrêts rendus le 11 mai 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (nos 21-16.923, 21-16.924 et 21-16.925). Ces trois décisions apportent deux précisions relatives au cas de figure dans lequel les titres transmis sont ceux d’une holding animatrice.
La première précision concerne les transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés holdings animatrices d’un groupe ayant une activité éligible, c’est-à-dire une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. La lecture de la doctrine administrative laisse entendre que les sociétés animatrices sont assimilées à des sociétés opérationnelles simplement en vertu d’une tolérance des services fiscaux. Les trois arrêts du 11 mai 2023 confirment que cette assimilation découle en réalité de la loi (V. précédemment : Cass. com., 25 mai 2022, n° 19-25.513).
La seconde précision est relative à l’appréciation du caractère animateur de la holding dont les titres sont transmis. Une société holding est une société dont l’activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, est la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. Le rôle animateur de la société holding s’apprécie au jour du fait générateur des droits de mutation à titre gratuit, c’est-à-dire au jour de la transmission de ses titres. Toutefois il faut être vigilant au fait que l’animation effective du groupe doit être préparée suffisamment en amont. Autrement dit les titres d’une société holding animatrice qui serait créée ex nihilo pour les besoins de la transmission ne peuvent pas faire l’objet d’un pacte Dutreil. Cela suppose d’une part, que la société préexiste depuis suffisamment longtemps et, d’autre part, que le contribuable soit en mesure d’apporter la preuve de l’effectivité et de la réalité du schéma. Dans l’optique d’un éventuel contrôle, il est donc important de préconstituer un dossier de nature à démontrer que la société holding a effectivement un rôle animateur, étant précisé que l’existence de conventions d’animation est nécessaire mais pas suffisante. En effet une telle convention permet de présumer que la société holding peut potentiellement animer son groupe, c’est-à-dire qu’elle définit la politique générale des filiales qu’elle anime. Des actes et des faits doivent corroborer que le rôle animateur est effectif et réel. Pour cela la société holding peut s’adjoindre un comité stratégique dont le rôle est d’orienter l’activité des filiales, leurs décisions stratégiques et leur politique et de suivre les décisions prises en s’assurant de leur mise en œuvre.
Frédéric DOUET, professeur à l’Université Rouen-Normandie, membre du Conseil des prélèvements obligatoires (@Fiscalitor)
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