L'interview
Ghislain Hermet, notaire associé chez CLARELIS, intervient en matière de droit immobilier, droit de l'urbanisme et financement, et plus spécifiquement en matière de prêts transfrontaliers. Il anime régulièrement des conférences et formations sur des sujets transversaux à destination de la clientèle internationale réalisant des investissements immobiliers en France.
Décision politique contestée en interne, présentée de fait comme une quasi suppression de l’ISF, la mise en place de l’IFI a-t-il en revanche été accueilli favorablement par les investisseurs étrangers ?
G.H - Tout contesté qu’il était, le défunt ISF avait du moins l’avantage pour le praticien comme pour le client, de sa prévisibilité et du recul doctrinal et jurisprudentiel permettant d’apporter dans la majorité des cas, des réponses précises à des situations données.
Si l’on avait pu penser initialement que l’IFI se réduisait à un ISF à assiette réduite, et donc plus favorable par principe à l’investissement, on a pu vite constater qu’il s’agissait d’un nouvel impôt obéissant à des règles et mécanismes propres.
J’en prends pour exemple les règles particulières encadrant la prise en compte du passif et notamment de l’amortissement prévu pour les prêts IN FINE et le plafonnement de la déductibilité pour les prêts finançant des actifs valorisés pour plus de 5 millions d’euros, qui a introduit des mécanismes totalement nouveaux.
Est-ce à dire que cette création a eu un impact négatif également pour les investisseurs étrangers, notamment dans l’immobilier résidentiel de jouissance ?
G.H - Oui. Alors qu’intuitivement l’on aurait pu considérer que la limitation de la mise en place de l’IFI se bornait à une réduction d’assiette, cette création a été en fait accompagnée de mesures particulières ayant au final pour effet d’assujettir à cet impôt des étrangers non résidents, propriétaires de résidences secondaires en France, et auparavant non assujettis à l’ISF.
Avez-vous un exemple en particulier ?
G.H - Très fréquemment le financement des acquisitions ou travaux s’effectuait au moyen de prêts IN FINE permettant principalement à l’emprunteur de ne mobiliser, en trésorerie, qu’une fraction des sommes requises pour l’opération, le surplus étant financé par la banque. L’intérêt pour l’investisseur était également, dans une optique de diversification de son patrimoine, non d’investir directement cet apport personnel dans l’opération, mais de constituer un portefeuille d’actifs financiers nantis au profit de la banque, et dont le taux de rendement était potentiellement supérieur au taux de rendement du bien et au taux d’intérêt proposé.
Le mode de calcul de l’ISF permettait de prendre en compte cette situation et d’aboutir, dans le cas d’un prêt équivalent au montant de l’investissement à ce qu’aucun impôt sur la fortune ne soit perçu.
Tel n’est plus le cas depuis l’adoption de l’article 974 du CGI prévoyant l’application d’un « amortissement » en matière de prêt in fine et pour les seuls besoins du calcul de l’IFI. Un grand nombre de propriétaires non-résidents ont donc vu leur situation se dégrader lors de l’adoption de l’IFI.
Une situation que ne concernait que les personnes physiques ?
G.H - Effectivement, et de manière très surprenante, ce dispositif n’a concerné en 2018 que les prêts consentis au profit de particuliers. Ce point a été évidemment corrigé par l’article 973 III du CGI étendant aux prêts souscrits par les sociétés les règles prévues par l’article 974.
Les points d’ombres liés à la détermination du passif déductible vous semblent donc désormais éclaircis ?
G.H - S’agissant d’une matière où les financements obtenus par ce type de clientèle sont à chaque fois uniques et quasiment « sur mesure », il existe autant de situations que d’emprunteurs. Demeurent ainsi non tranchées par la doctrine et la jurisprudence les modalités de prise en compte d’un prêt in fine dont le terme est échu, d’un prêt ayant fait l’objet d’une prorogation de délais prolongeant son terme voire modifiant les conditions d’amortissement, ou encore le traitement de prêts de refinancement de comptes courants d’associés, dans la mesure où ces comptes courants d’associés auraient eux-mêmes financé l’acquisition.
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