Par Ghislain Hermet, notaire associé.
La thématique « Immobilier, valeur refuge » de notre dernier magazine Clarelis Le Mag (automne 2021) nous invite à nous poser la question de la détermination de cette valeur, et donc de l’évaluation de l’immeuble. S’il existe en effet un marché pour les valeurs mobilières permettant de déterminer à un instant précis une valeur à un actif financier, tel n’est pas le cas du marché immobilier. Celui-ci se caractérise notamment par sa faible liquidité, et par le fait que chaque actif immobilier est unique. A l’instantanéité des marchés financiers, s’oppose un processus d’acquisition qui s’étale dans le temps et qui ne peut être fondé sur l’immédiateté des transactions.
L’immeuble échappe ainsi, pour partie, à la financiarisation de l’économie. À ce titre, il constitue une valeur refuge non parce qu’il serait décorrélé d’autres secteurs essentiels de l’économie, mais parce que la temporalité du marché immobilier, et donc de ses fluctuations, s’inscrit dans une échelle différente de celles des secteurs économiques hautement financiarisés.
Point de vendeurs de villas azuréennes à découvert, de trackers assis sur la valorisation de l’immobilier parisien, de call ou de put basés sur un chalet mégevans. Certes, il peut nous être rétorqué que le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente ne dispose ni plus ni moins que d’une option qui serait similaire à un call. Mais il est bon de rappeler que, d’une part, la négociation du bénéfice d’une promesse unilatérale de vente est strictement prohibée, et que, d’autre part, la pertinence économique d’une opération de spéculation où le prix de l’option se situerait entre 5% et 10% de celle de l’actif sous-jacent resterait à démontrer, dans un marché qui plus est extrêmement peu volatil.
Nous sommes convaincus que cette donnée du marché immobilier participe à sa résilience, laquelle peut permettre également d’appuyer un rebond d’autres secteurs où la volatilité est de mise. La situation que nous avons vécue en mars 2020, avec une chute brutale des valorisations des actifs financiers, suivie d’un rebond important, aurait été différente si cette chute brutale des actifs financiers s’était couplée à une chute de valorisation dans les mêmes conditions des actifs immobiliers.
Au niveau de notre activité quotidienne, nous nous apercevons que la valorisation d’un actif immobilier va pouvoir se cristalliser à l’occasion d’une vente, d’une déclaration du contribuable pour les besoins de la perception d’un impôt, ou encore par l’établissement d’un rapport d’évaluation.
À L’OCCASION D’UNE VENTE
La définition même de valeur vénale s’entend du « prix auquel ce bien pourrait ou aurait pu normalement se négocier à l’époque considérée, tel qu’il résulte en particulier de l’analyse des prix déclarés lors des mutations de biens présentant des caractéristiques identiques et affectées au même usage ». Indéniablement, la vente du bien va pouvoir assoir une précédente valorisation, sous réserve bien sûr que le prix de vente présente une cohérence avec cette valorisation. A noter cependant que l’administration dispose de la possibilité, sans qu’il y ait lieu pour elle de démontrer une dissimu- lation de prix, d’effectuer un redressement sur l’assiette des droits de mutation à titre onéreux en s’appuyant simplement sur la démonstration d’une valeur vénale supérieure au prix de vente.
À L’OCCASION D’UNE DÉCLARATION DU CONTRIBUABLE
Le contribuable peut être amené à devoir lui-même déclarer la valeur vénale d’un bien immobilier à l’administration. Qu’il s’agisse de déterminer l’assiette des droits de mutation à titre gratuit au titre d’une donation ou d’une succession, ou encore de valoriser un patrimoine immobilier pour les besoins de la perception de l’impôt sur la fortune immobilière, les règles vont être globalement identiques. La méthode préconisée par l’administration est celle de la comparaison avec des biens de nature et localisation similaire. Il est à noter que, depuis peu, l’administration a mis à disposition du public les données de publicité foncière (app.dvf.etalab.gouv.fr). L’administration dispose de la possibilité de contester l’évaluation retenue pendant un délai de trois ans plus l’année en cours.
ÉTABLISSEMENT D’UN RAPPORT D’ÉVALUATION
Le propriétaire, soucieux de pouvoir disposer d’un document solide pouvant être présenté à l’administration à l’appui de la valorisation proposée, ou un tiers intéressé, et l’on pense immédiatement à une banque souhaitant bénéficier d’une sûreté réelle sur le bien, vont souhaiter l’intervention d’un professionnel de l’évaluation. Il est important de savoir que, même si l’administration fiscale privilégie la méthode d’évaluation par comparaison, d’autres mé- thodes existent et elles peuvent, selon l’utilisation finale envisagée pour le rapport, utilement compléter voire même être plus pertinente qu’une évaluation par comparaison. Ainsi, il peut être opportun de retenir, pour l’évaluation des biens professionnels, une méthode par le revenu, permettant de déterminer, au regard du loyer pratiqué et du taux de rendement attendu pour ce type d’investissement, une valeur de l’actif. La méthode des flux actualisés est voisine, et va prendre en compte, sur une durée de détention déterminée, l’ensemble des flux liés à l’acquisition, la détention et la revente éventuelle du bien. Il est intéressant de noter que la qualité intrinsèque du bâtiment est au final peu prise en compte, ce qui a pu conduire certains professionnels à promouvoir également une évaluation basée sur la valeur d’usage du bâtiment, laquelle prendrait en compte la qualité technique de l’actif, la qualité de l’actif pour l’occupant, l’emplacement de l’actif, la valeur apportée par l’actif à son territoire. La charte de l’expertise en Evaluation Immobilière retient non pas une, mais 9 valorisations distinctes : valeur vénale, juste valeur, valeur locative de marché, coût de remplacement brut, coût de remplacement net, valeur d’apport, prix de convenance ou d’opportunité valeur de synergie, valeur à neuf ou coût de reconstruction, valeur d’assurance, valeur hypothécaire.
Bien évidemment, il est pertinent de recourir à plusieurs méthodes d’évaluation afin d’en dégager une synthèse, ou de permettre d’identifier la valorisation la plus pertinente. Une banque finançant l’actif s’intéressera ainsi en priorité à la valeur « Prix de vente forcée », hypothèse à laquelle elle risque de se retrouver confrontée en cas de réalisation de sa sûreté.
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